MEMOIRE DE MAITRISE DE NATHALIE BENAZRA



LES ARTS PLASTIQUES
DANS LA PRISE EN CHARGE DES ENFANTS AUTISTES
Un certain rapport au vide chez l’autiste et chez l’artiste,
du moi / peau à la toile crevée


Chapitre II
Arts plastiques et Atelier avec enfants autistes

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Conclusion

    La rencontre d’un sujet autiste nous laisse toujours dans la perplexité, et l’enfant autiste lui-même reste une énigme tant il est difficile de parler de lui en général, il est un prisme à plusieurs facettes, on ne peut jamais toutes les voir en même temps.

   Anzieu, par sa réflexion dans le corps de l’œuvre m’a beaucoup aidé à tisser le lien des différents chapitres de ce mémoire :

   Celui de mettre en parallèle l’artiste et l’autiste :

   Dans leur souffrance, dans leur extrême, leur repli…

   Toute fois, l’artiste ne fait qu’en jouer, parfois se fait piéger tandis que l’autiste est piégé de fait sans pouvoir vraiment naviguer d’un monde à l’autre. Les deux me semblent dans une impasse celle de n’avoir pas le choix.

   D. Anzieu :

   “Le saisissement créateur se manifeste parfois comme une crise. Cette crise intérieure peut mettre le futur créateur, souvent la nuit, dans un état de transe corporelle, d’angoisse blanche, d’extase quasi hallucinatoire, de lucidité intellectuelle aiguë. Cet état présente les caractères d’une régression et / ou d’une dissociation, mais partielles et temporaires à la différence de celles, plus globales, plus destructurantes, qui conduisent à des désordres mentaux psychotiques.”1

   Il poursuit :

   “L’artiste prend un risque grave en s’engageant seul dans un processus dissociatif ou régressif, dont l’enjeu est existentiel. On reconnaît d’ailleurs là un principe de fonctionnement propre à la part psychotique de toute personne, le fonctionnement en tout ou rien.
   La régression créative est freinée par la rigidité défensive, par la crainte justifiée d’avoir à affronter, des angoisses de type psychotique (annihilation, dévoration, morcellement, persécution, retrait).
   Le saisissement (du futur créateur par une sensation-image-affect dont il fera le thème directeur de son œuvre) est inséparable d’un déssaisissement (de soi-même, du contrôle habituel du Moi, des représentations établies de son être). Cette mise en question de l’unité de la personne, cette effraction de son enveloppe psychique, cette rupture dans son narcissisme sont éprouvantes.
   A côté ou en plus du vide, trace laissée par les ruptures d’une histoire, le créateur trouve en lui un vide inhérent.
   Autour des traces de ce surgissement traumatique, l’œuvre tisse sa toile pour capter, pour suturer les déchirures, pour accomplir, par une peau symbolique de mots, par un entrelacs d’images plastiques ou sonores, la restauration de l’intégrité narcissique de la personne.
   L’artiste tisse ainsi des traces, des lieux, des figures, dans la trame de son œuvre.”

   Les théoriciens, les psychanalystes parlent beaucoup mieux de tous ces phénomènes, c’est la raison pour laquelle je me suis parfois effacée derrière certaines analyses.

   Je crois réellement qu’il n’est pas possible de tout vivre. Savoir écrire est un art, j’en pratique un autre qui se veut tout autant expressif et démonstratif.

   Je me sens proche des enfants que je reçois pour toutes les raisons analysées dans ce mémoire ; confrontation au vide, peau carapace… Une certaine complicité me lie à eux et me donne chaque jour l’envie de les comprendre davantage.

   Quant à mon travail auprès des enfants, j’essaie de me situer dans le juste milieu entre l’intervention d’une plasticienne, que je suis, entre l’aspect éducatif (au sens premier du latin e-ducere, conduire en dehors, accompagner vers) que peuvent revêtir ces mêmes interventions et le côté plus psychologique qui répond parfois à certains de mes questionnements, face à ces enfants en essayant de garder intact cet autre facteur essentiel qu’est la spontanéité ; ce qui est en moi sans maquillage.

   Ce mémoire m’a permis de pauser quelques idées autour de la question de l’art et de l’autisme, j’ai pourtant l’impression en le finissant que tout reste à dire.

   J’ouvre donc cette fin de mémoire sur d’autres rencontres et perspectives, ici ou ailleurs, dans les sciences de l’éducation ou dans d’autres disciplines qui pourront m’éclairer encore et toujours dans cette recherche.

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Note

1 Cf. D. Anzieu, Le corps de l’œuvre, Gallimard 1981. Retour



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